Dans le monde de Lola, tout n’est pas rose. Le temps peut être morose.
Les gens ne rient pas tout le temps, ni même de temps en temps.
Il y a eu Ulla, Stéréo et Typa. Aujourd’hui, c’est de Compli Kay dont Lola va vous parler.
Compli Kay, la tourmentée. Elle installe les verrous sans y mettre les clés. De rien, de tout, elle n’arrive à décider.
Alors, elle fait des listes. Des détails, elle est artiste. Elle en fait des kilos, des tonnes. Elle y met deux colonnes. Du contre, du pour mais quand vient l’heure, quand vient le tour, impossible de décider. Il y en a autant de chaque côté.
Alors, elle pondère, attribue des coefficients. Soudain, elle manque d’air et se ronge les sangs. Elle reprend ses listes, insiste.
Impossible de choisir. Pourtant, c’est important. Il est question de son avenir. Elle doit trancher, se décider. Comment faire, c’est un enfer…
Tiens, voilà Lola qui vient en hâtant le pas. Quand on a besoin d’elle, Lola arrive à tire-d’aile.
« Lola, je n’arrive pas à me décider. A force, je suis à L’arrêt. Ces pour, ces contre finissent par m’étrangler »
» Là, dis moi, Kay, tu as à décider de quoi?On ne peut décider du général, il est trop haut placé, il ne se laisse pas approcher. Tu ne peux décider que du particulier »
» Lola, je n’aime plus mon travail. Je dirai même qu’il me fait du mal. Je veux m’en aller mais j’ai peur. Et si je me trompais, alors, je me dis qu’il vaut mieux rester, qu’au moins, ce mal, je le connais, il m’est familier.Et juste après, je me dis le contraire, que ce travail est un enfer dont il faut me défaire…Je pose les avantages, les inconvénients mais des deux côtés, il y en a autant «
» Kay, laisse moi te raconter. C’est une histoire, presque un conte de fées. Elle se passe, il y a fort longtemps mais le temps passé peut résonner dans le présent. Dans une contrée très éloignée vivait une jeune fermière. Elle aimait ses terres, rien ne l’émouvait tant que de voir le blé pousser et recouvrir ses champs. En été, sous la brise légère, les blés dansaient, dessinaient des vagues sous lesquelles elle aimait s’abriter. Elle était heureuse et n’aspirait qu’à une chose, que cela ne cesse jamais.
Hélas, il n’est pas dans la nature de faire que les choses durent. Les terres se trouvèrent épuisées d’avoir tant donné, les pluies s’en allèrent nourrir d’autres pays. Dorénavant, les récoltes étaient maigres, plus rien à becqueter. Même pas de quoi se disputer. Navrant.
Le temps de la disette avait sonné. Le conseil des fermiers l’avait décidé, il fallait s’en aller. Seulement, la jeune fermière ne l’entendait pas de cette oreille. Partir mais pour où, pour quoi? Elle voulait le temps d’avant, le temps des merveilles.
Elle leur dit qu’elle ne partirait pas, que cette terre dont elle connaissait les moindres recoins, elle ne la quitterait pas. Elle n’irait jamais loin, elle resterait là ou l’avait posé son destin. Ailleurs, c’était le danger, la peur, les brigands, le mauvais tournant.
Ils se quittèrent dans les larmes mais la jeune fermière ne voulait pas rendre les armes. Elle resta seule dans son champ, semant au gré des vents mais le printemps venu, les tiges étaient si ténues et elle si menue…
Elle pensait aux autres, que leur était-il arrivé? elle en était sûre, ils avaient péri, étranglés par de terribles ennemis. Elle se trompait, à bon port, ils étaient arrivés, des terres fertiles, ils avaient trouvées. Oui, le voyage avait été mouvementé. Ça leur faisait des souvenirs qu’ils se racontaient au coin du feu et ils en riaient, de bon cœur, un cœur rempli, heureux.
La jeune fermière ne tenait plus que par la volonté mais elle aussi finit par céder et dans son champs, elle tomba, tête la première, tête en avant.
Un jeune fermier, qui éprouvait pour la jeune fermière quelque sentiment, avait fait le voyage pour la ramener, de force ou de gré, et c’est ainsi qu’il la trouva, seule, pâle et affamée, sur sa terre allongée. Il la souleva sans effort, elle était si légère. Une plume dans ses mains de fer.
Arrivée au nouveau village, revigorée, soutenue par les siens, elle mesura l’étendue de son erreur. Une erreur de jugement qui en comptaient des arpents… Elle aurait pu lui être fatale. Au final, faire le choix de la stabilité, de ce que l’on connait était le plus risqué. Quand il n’y a plus rien à sauver, le seul choix est de s’en aller. »
» Ton histoire me fait réfléchir, Lola… »
» Kay, les idées naissent dans la tête mais c’est dans le vrai qu’on les fait germer, tu verras alors, quelles fleurs elles acceptent de te donner. Il y a le temps de la réflexion et le temps de l’action. A être seulement dans l’une tu deviens stérile, à n’être que dans l’autre tu deviens fébrile »
Et Lola s’en alla de son pas délicat, sautillant. Kay déchira ses listes, en fit des confettis, qu’elle jeta au loin, elle n’en avait plus besoin. ll était plus que temps pour elle, d’aller de l’avant, dans la vie réelle.